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non au pouvoir de mademoiselle de Maran. Je faisais les vœux les plus vifs pour que M. de Mortagne réussît dans son dessein. Le jour fatal arriva ; ma tante me fit habiller avec soin, et je descendis dans le salon où les membres de notre famille s’étaient réunis.

Je cherchai des yeux M. de Mortagne ; il n’était pas encore venu. Ma tante me plaça à côté d’elle et de M. d’Orbeval, mon tuteur.

Tous mes parens semblaient craindre mademoiselle de Maran, et l’entouraient d’une obséquieuse déférence. On lui savait un crédit puissant. Son salon était le rendez-vous des hommes les plus influents du gouvernement, par égard pour Louis XVIII, les princes lui témoignaient une extrême bienveillance.

M. de Talleyrand partageait souvent ses soirées entre ma tante et la princesse de Vaudemont. Ce grand homme d’état, qui — disait ma tante avec beaucoup de raison d’ailleurs — « avait élevé le silence jusqu’à l’éloquence, l’esprit jusqu’au génie, et l’expérience jusqu’à la divination, » causait quelquefois une heure, tête-à-tête, avec mademoiselle de Maran ; car elle était de ces femmes