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âge. J’étais presque heureuse des cruautés de ma tante, parce qu’elles m’offraient le moyen de la braver, de la dépiter par mon sang-froid.

Elle se vengeait en me persuadant avec un art infini que j’étais laide et sotte.

Je retenais mes larmes, je courais auprès de ma gouvernante, et j’éclatais en sanglots. Alors, pour me consoler, la pauvre femme me faisait les louanges les plus outrées, auxquelles je finissais par croire.

De là sans doute mes ressentiments toujours extrêmes, de là mon impuissance à accepter plus tard ces mezzo termine, si fréquents dans la vie.

L’âge n’a d’ailleurs jamais modifié chez moi cette étrange façon de me juger. Au lieu de choisir un milieu raisonnable entre deux exagérations, au lieu de ne me croire ni tout à fait inférieure ni tout à fait supérieure aux autres, j’ai vécu dans de continuelles alternatives de confiance insolente ou de défiance accablante.

Les triomphes passés ne m’empêchaient pas plus d’être parfois d’une humilité ridicule, que les humiliations souffertes ne m’em-