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d’argent qui ornaient son comptoir, sans cesse elle avait ses gros yeux braqués sur les portes de l’hôtel.

Si l’on s’étonne de cette persévérance à épier dans le désert, on oublie que la vanité même de l’espionnage de nos oisifs devait servir de puissant aiguillon à leur curiosité. Chaque jour ils s’attendaient à dévoiler quelques faits importants.

Nous l’avons dit, on était à la fin du mois de décembre.

Midi venait de sonner à la pendule du café ; madame Lebœuf, le nez appliqué aux vitres, partageait son attention entre la neige qui tombait à gros flocons et la porte de l’hôtel d’Orbesson.

La veuve s’étonnait de n’avoir pas encore vu les deux frères Godet, ses fidèles habitués, qui chaque matin venaient régulièrement déjeuner chez elle.

Enfin elle les vit passer devant ses fenêtres ; ils entrèrent, et se débarrassèrent de leurs manteaux couverts de neige.

— Bon Dieu ! monsieur Godet l’aîné, qu’avez-vous donc au front ? — s’écria la veuve en