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Je vois encore la chambre de mademoiselle de Maran.

Au fond de son alcôve, drapée de damas rouge sombre, était un grand Christ d’ivoire, surmonté d’une tête de mort aussi en ivoire, le tout se détachant sur un encadrement de velours noir.

Cette pieta n’était qu’une apparence, qu’une sorte de manifestation toute de convenance, je crois, car je ne me souviens pas d’avoir vu ma tante aller à la messe.

Presque tous les carreaux des fenêtres étaient couverts de fragments de vitraux coloriés. Il y avait surtout une Décollation de saint Jean-Baptiste qui m’a bien long-temps poursuivie dans mes rêves enfantins.

Sur le marbre du secrétaire de laque rouge, on voyait dans deux cages de verre le père et l’arrière grand-père de Félix supérieurement empaillés.

L’air méchant et prêts à mordre, ces espèces de fantômes immobiles, avec leurs yeux d’émail brillant, me causaient peut être encore plus d’effroi que leur rejeton.

Il y avait pour moi quelque chose de surna-