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sortait aussitôt de dessous la courte-pointe, et me montrait en grondant deux rangées de dents aiguës.

Plusieurs fois il m’avait mordue jusqu’au sang. Pour toute réprimande, ma tante lui avait dit d’une voix doucement grondeuse, et en me jetant un coup-d’œil irrité : — Eh bien ! eh bien ! petit fou ; voulez-vous bien laisser cette enfant ! Vous voyez bien qu’elle ne veut pas jouer avec vous.

Mademoiselle de Maran était fort instruite, et se tenait très au courant des affaires politiques. Je la trouvais, selon son habitude, dans son lit, en manteau et en chapeau de soie carmélite, lisant ses journaux ou quelque grand in-folio soutenu par un pupitre. Elle m’accueillait toujours avec une réprimande ou un sarcasme.

Ces scènes se sont tellement renouvelées, elles m’ont laissé une impression si profonde, qu’elles me sont encore présentes dans leurs moindres détails. J’y insiste, parce que la crainte incessante dont j’étais dominée pendant mon enfance a eu sur le reste de ma vie une puissante influence.