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Fille d’un émigré, le baron d’Arbois, ancien lieutenant-général des armées du roi, ma mère était pauvre et merveilleusement belle.

Avare et difforme, mademoiselle de Maran méprisait la pauvreté et abhorrait la beauté. Elle mit tout en œuvres, prières, menaces, larmes, railleries, perfidies, pour détourner mon père de sa détermination. Il fut inflexible ; il épousa ma mère.

On comprend la rage, la haine de ma tante contre elle. Pour la première fois de sa vie, mon père secouait le joug de son impérieuse sœur. En femme habile, celle-ci dissimula ses ressentiments. Devant mon père, elle fut d’abord froidement polie pour sa belle-sœur ; peu à peu elle sembla s’humaniser, fit quelques concessions apparentes ; mais comme elle n’avait pas cessé d’habiter avec M. de Maran, elle reprit bientôt son premier empire.

L’âge, l’esprit sarcastique et hautain de mademoiselle de Maran imposaient beaucoup à ma mère, femme d’une bonté d’ange et d’une douceur que sa timidité pouvait seule égaler.

Mon père la traitait en enfant gâtée, et ré-