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Malgré sa difformité, malgré sa laideur, malgré l’extrême petitesse de sa taille, il était difficile d’avoir une physionomie plus imposante ou plutôt plus altière que mademoiselle de Maran. Elle n’inspirait pas sans doute la respectueuse déférence que commandent toujours la noblesse des traits, le grand air ou l’affable dignité des manières ; mais à son aspect on ressentait de la crainte et de la défiance de soi.

Mademoiselle de Maran n’avait jamais quitté mon père ; vers le milieu de la révolution, elle avait émigré en Angleterre avec lui, après avoir partagé ses chagrins et ses dangers.

Malgré le mal que m’a fait ma tante, je ne puis m’empêcher de reconnaître qu’elle aimait tendrement son frère ; mais l’amour des méchants porte aussi leur cruelle empreinte : on dirait qu’ils chérissent une personne pour avoir le prétexte d’en haïr cent ; ils vous aiment, mais ils détestent ceux qui ont droit à votre affection ou qui vous témoignent de leur attachement.

Tel fut l’amour de ma tante pour mon père.