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une si incroyable intrépidité, que quelques paysans reculèrent d’abord involontairement ; mais à ce premier mouvement succéda une réaction terrible. L’exaspération atteignit à son comble : l’un des paysans qui avait déjà brandi son fléau, saisit d’une main vigoureuse Scipion par les épaules, lui fit faire pour ainsi dire volte-face, en le forçant de se retourner vers le berceau déposé sur une roche, et lui dit d’une voix menaçante :

— Malheureux ! vous avez le cœur de plaisanter devant votre enfant mort !… Regardez-le donc… si vous l’osez…

Pour la seconde fois, Scipion tressaillit, non de frayeur, mais d’émotion ; pendant un instant ses yeux s’attachèrent malgré lui sur le visage livide du petit enfant.

— Ah gredin ! tu oses lever la main sur mon fils, s’écria impétueusement le comte en saisissant au collet le paysan qui avait forcé Scipion de se retourner.

— Oui, sur lui comme sur vous, puisque vous levez la main sur moi.

— Le père ne vaut pas mieux que le fils ! — s’écrièrent plusieurs voix.

Déjà, malgré les efforts de Beaucadet, de ses gendarmes et des gens du comte, Scipion et son père se voyaient dangereusement enveloppés, lorsque, soudain, ces cris : — au secours ! à l’assassin ! — de plus en plus retentissants et rapprochés, opérèrent, par la surprise qu’ils causèrent, une heureuse diversion en faveur de M. Duriveau et de son fils ; tous deux se dégagèrent prestement pendant que leurs agresseurs se retournaient avec une curiosité inquiète du côté de la clairière.