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d’arrêter un criminel, quand il y a du danger surtout.

— Tais-toi donc… tu m’humilies, tu parles comme un commissaire de police dans l’embarras, — dit Scipion à son père en le poussant du coude.

L’insolent et froid persiflage de Scipion cette fois encore blessait doublement le comte, obligé, dans la crainte d’une scène plus désagréable peut-être, de souffrir ces sarcasmes en présence d’une femme qu’il idolâtrait, et qu’il croyait toucher par cet acte de bravoure, d’ailleurs incontestée ; mais forcé au silence, M. Duriveau se contint encore, haussa les épaules et se dirigea résolument vers l’ouverture de la tanière.

— Mes amis, — dit alors Mme Wilson aux paysans, — n’abandonnez pas M. le comte, suivez-le,… défendez-le au besoin.

Le comte Duriveau était redouté dans le pays ; l’on savait sa dureté envers ses métayers, l’implacable rigueur dont il poursuivait la punition de la moindre atteinte à ses droits de propriétaire ; puis sa parole impérieuse, ses manières hautaines, sa physionomie sévère inspiraient à tous l’éloignement ou l’effroi ; aussi, au lieu d’écouter la prière de Mme Wilson et d’entourer le comte au moment où il se disposait à pénétrer dans le repaire, l’un des paysans dit à demi-voix :

— Si M. le comte veut arrêter à lui tout seul le brigand, qu’il l’arrête,… nous n’y tenons pas, nous autres.

— Je le sais bien, poltrons, — répondit dédaigneusement M. Duriveau.

— Poltron,… dam,… — dit un pauvre diable