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— Duriveau !… attendez-moi donc… que diable ! — cria Dumolard de tous ses poumons.

Le comte Duriveau disparut, et son fils après lui.

— C’est hideux d’insouciance, — s’écria Dumolard, avec autant d’amertume que de frayeur ; — mais, Dieu merci ! je vois la route qu’ils ont prise… Ils ont tourné à gauche, et…

M. Dumolard ne put continuer ; son cheval, lancé au petit galop, s’arrêta brusquement sur ses jarrets ; la réaction de ce mouvement inattendu fut si violente que M. Dumolard, jeté sur ses arçons, faillit passer par-dessus la tête de son cheval.

Il se remit en selle en maugréant, et s’aperçut de la cause qui avait si soudainement interrompu le galop de son cheval ; il s’agissait d’un large fossé d’assainissement, parfaitement construit ; huit pieds de largeur, avec hautes berges évasées et six pieds de profondeur ; le dit fossé coupait la futaie dans toute sa largeur.

À la vue de cette large ouverture béante, qui interceptait son passage, le désespoir s’empara de M. Dumolard ; il aperçut aux versants de la berge l’empreinte du pied des chevaux des autres chasseurs, qui avaient franchi cet obstacle. M. Dumolard ne pouvait plus espérer de les rejoindre ; il eût préféré la mort à tenter le formidable saut du fossé. Retourner sur ses pas, c’était s’éloigner davantage encore des chasseurs, et déjà le soleil déclinait sensiblement ; l’on se trouvait dans ces courtes journées d’équinoxe, où la nuit succède au jour presque sans transition.