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Mme Wilson, bravant si intrépidement un danger réel ; à ce moment et durant toute la chasse, le comte Duriveau avait suivi les moindres mouvements de la charmante veuve avec une anxiété remplie de tendresse et de sollicitude ; presque jamais son regard inquiet, ardent, passionné, ne quittait cette femme enchanteresse, et l’on devinait facilement que le savoir-vivre et les convenances l’empêchaient seuls de témoigner plus ouvertement encore de l’irrésistible empire qu’elle exerçait sur lui.

Le comte ainsi que son fils portaient des capes de velours noir, de petites redingotes écarlates à boutons d’argent, des culottes de daim blanches et des bottes à revers.

L’extérieur du vicomte offrait le contraste le plus frappant avec l’extérieur de son père ; la mâle figure de M. Duriveau, ses mouvements nerveux et alertes, révélaient une incroyable plénitude de vie, de passion et de force ; les traits du vicomte, d’une finesse, d’une régularité toute féminine, semblaient déjà flétris par des excès précoces. À peine âgé de vingt ans, déjà son visage, ombragé de favoris soyeux et blonds comme ses cheveux et sa moustache naissante, était amaigri, creusé. Depuis long-temps la pâleur de l’épuisement remplaçait, sur cette jolie figure étiolée, le frais coloris de la jeunesse. Ses yeux très-grands, très-beaux, d’un brun velouté, mais profondément cernés, avaient leurs paupières quelque peu rougies par l’âcre échauffement des veilles et des orgies ; car, depuis quelques jours seulement, le vicomte Scipion avait quitté Paris, et, à Paris, encouragé par le comte et par les autres jeunes pères,