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gens, riches et oisifs, quatre-vingt-dix, tôt ou tard, plus ou moins, vivront de la vie que menait Scipion ; seulement, cette vie, ils la mèneront, grâces à des ressources usuraires, à l’insu ou malgré les sévères remontrances de leurs familles, dont ils convoiteront l’héritage avec une impatience… légèrement parricide.

Ceci admis, on concevra que les jeunes pères ne manquaient pas d’un certain bon sens pratique, en tâchant au moins de guider, de diriger eux-mêmes des écarts de jeunesse qu’ils ne pouvaient contenir.

Sans doute, aux yeux des penseurs, le remède vaut le mal ; sans doute, il est déplorable de voir dissiper ainsi des sommes énormes, il est douloureux de voir flétrir, dans la première fleur de la jeunesse, tant de nobles, tant de bons instincts qui la caractérisent, de voir si souvent s’étioler et mourir dans cette atmosphère viciée des intelligences précieuses ; mais tous ces maux et bien d’autres ressortent inévitablement de l’état de choses qui régit la famille, la propriété et surtout cette grande iniquité : l’héritage.

On pense bien que, vivant depuis plusieurs années en jeune père, la dignité paternelle du comte et le respect filial du vicomte avaient dû singulièrement se modifier et s’amoindrir ; mais cette pente était trop rapide, ce courant trop impétueux pour pouvoir être remontés ; mainte fois le caractère hautain, l’énergique volonté de M. Duriveau furent dominés par le flegme railleur et impertinent de son fils ; plus d’une fois, depuis quelque temps surtout, et malgré de vains et tardifs regrets, imitant en cela les maris de bonne compagnie qui, craignant de paraître jaloux, dévorent