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autres : conscience de sa valeur légitime ; — le malheur d’autrui : juste punition des désordres, — Fatalité inhérente à tout état social, — Conséquence du péché originel, — Volonté providentielle, etc.

M. Duriveau se montrait, en un mot, furieux catholique à l’endroit de cette sacrilège imposture :

Qu’un dieu tout paternel a créé l’homme pour le malheur.

Ce bel axiome légitimait la dureté de cet implacable égoïste.

Il en arguait, il en triomphait.

« Les hommes sont nés et faits pour le malheur, — disait-il avec une insolente ironie ; — Dieu l’a voulu, que la volonté de Dieu soit respectée ! ne la contrarions jamais ! contentons-nous de vivre splendidement, joyeusement, dans une heureuse exception… qui confirme la règle. »

Cet homme, à son point de vue, pouvait donc dire et disait : — J’ai été bon, généreux, humain ; — je n’ai rencontré que déception, ingratitude ; — toute infortune mérite son mauvais sort ; — bien niais qui s’apitoie.

Il faut l’avouer, M. Duriveau, doué d’un esprit naturel remarquable, d’une grande énergie de volonté, d’une rare audace de caractère, savait ainsi, à force de cynisme, d’effronterie, donner quelque piquant à ces cruels paradoxes, et, dans le monde qu’il fréquentait, il trouvait trop souvent des approbateurs ou des complices.

La fréquentation d’une certaine société, outrageusement fière de sa richesse ou de ses titres récents, la lèpre de l’oisiveté, la presque inévitable et mauvaise influence d’une immense fortune acquise sans labeur, étouffèrent