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touffe de fleurs agrestes, ou d’un insecte au corselet d’or et d’émeraudes et aux ailes de gaze.

Mais forcément, ils ne sont pas très-nombreux ceux-là qui, malgré les soucis, les fatigues d’une condition toujours laborieuse, rude, précaire, souvent déplorable et abrutissante, peuvent acquérir ou conserver cette finesse de perception, cette fraîcheur d’impressions, cette noblesse de pensée indispensables aux jouissances intellectuelles.

Parmi les prolétaires, beaucoup, bien que laborieux et probes, ont été élevés dans l’ignorance, dans la grossièreté, déshérités de cette éducation libérale, qui seule élève, raffine les instincts et donne le goût des délassements choisis, des récréations délicates.

Qu’arrive-t-il ? après une semaine de contrainte, de privations, de labeur, ils cèdent à un naturel et irrésistible besoin de plaisir.

Emportés par l’ardeur de la jeunesse, par une sorte de fièvre d’expansion, ils se ruent avec une fougueuse impatience dans les seuls lieux d’amusements ouverts à leur pauvreté !

Alors d’horribles cabarets où se vendent du vin empoisonné, des mets nauséabonds, et des filles infectées, se remplissent d’une foule frémissante ; à l’entour de ces bruyantes tavernes surgissent de toute part des tréteaux, des bateleurs, où, au milieu de scènes ignobles, dégradantes, tout ce qu’il y a de digne, de respectable dans l’homme, est raillé, est insulté en langage des halles. Plus loin, ce sont des chanteurs, et, parmi eux, vieillards, femmes ou enfants ; chacun rivalise