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ses exercices finis, elle se mettait dans son coin, ne parlait presque pas, et ne riait jamais ; elle avait de petits yeux bleus doux et tristes, et malgré sa laideur, on aimait à la regarder. La mère Major qui, je crois bien, en était devenue jalouse à cause de moi, redoubla de méchanceté contre elle depuis mon entrée dans la troupe, tant et si bien que la petite est tombée tout-à-fait malade, et qu’elle est morte dans une de nos tournées. Je ne sais pas d’où elle venait ni comment la Levrasse l’avait amenée dans la troupe.

— Pauvre petite fille ! — dis-je à Bamboche, — je croyais que c’était d’elle que tu étais amoureux.

— Non, non, tu vas voir. La Levrasse lui avait donné le nom de Basquine comme il m’a donné le nom de Bamboche. Quand elle a été morte, il a dit à la mère Major : — « Faut trouver une autre Basquine, mais plus gentille, une fillette de cet âge-là, ça fait toujours bien dans une troupe, surtout quand la petite est gentille et qu’elle chante des polissonneries pour allumer les jobards. — T’as raison, — répond la mère Major, — faut trouver une autre Basquine ; » — il y a deux mois, à la fin de la saison de nos exercices, la troupe était toute démanchée ; l’Albinos avait avalé de travers une lame de sabre et était entré à l’hospice, et notre Pître nous avait quitté pour entrer au séminaire.

— Au séminaire ?

— Oui, une maison où on apprend à être curé ; c’est dommage, car il n’y avait pas une plus fameuse blague que Giroflée !

— Qui ça, Giroflée ?

— Notre Pître donc, notre paillasse. Avec ça,