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— C’est ça qu’on veut m’apprendre ? — m’écriai-je avec frayeur.

— Oui, et ça se montre à grands coups de martinet et en vous déboîtant les os ; tes cris m’éveilleront plus d’une fois comme les miens t’ont éveillé cette nuit, — dit Bamboche avec un sourire cruel.

— Ah, mon Dieu ! comme tu as dû souffrir !

— Pas trop dans les commencements, car la mère Major m’apprenait l’état, mais tout doucement, et sans me battre ; elle m’habillait bien et me donnait des friandises en cachette de la Levrasse… Et quand nous avons travaillé en public, elle m’aidait et me rendait les tours bien plus faciles ; mais maintenant la grosse truie me laisse en guenilles, me met au pain et à l’eau plus souvent qu’à mon tour, et me roue de coups pour un rien ; il faut que j’apprenne en huit jours les tours les plus difficiles… et elle m’assomme parce que, quand j’ai la tête en bas très-long-temps, moi… le sang m’étouffe.

— Et pourquoi la mère Major, si bonne autrefois pour toi, est-elle maintenant si méchante ?

— Tiens, parce qu’autrefois j’étais son amant, et que maintenant je ne veux plus l’être, me répondit Bamboche avec une fatuité dédaigneuse.

Pour la troisième fois je ne compris pas Bamboche, et dans ma candeur étonnée, je lui dis :

— Comment ? son amant ? Qu’est-ce que c’est ?

Mon nouvel ami partit d’un grand éclat de rire, et me répondit :

— Tu ne sais pas ce que c’est que d’être l’amant d’une femme… Es-tu serin… à ton âge !