J’ai pris un morceau de pain, car j’avais faim, et je suis revenu auprès du corps de mon père. Les corbeaux s’étaient déjà abattus sur lui, et déchiquetaient sa figure.
— Ah ! mon Dieu ! — m’écriai-je en frissonnant.
— Avec une gaule, je les chassais, mais ils ne s’en allaient pas loin, restaient autour de l’endroit, tournoyaient au-dessus du corps en croassant et venaient tout proche se percher dans les branches ; voyant ça, j’ai pris la cognée de mon père, c’est au plus si je pouvais la manier. J’ai tâché de creuser un trou pour enterrer le corps ; je n’ai pas pu : c’était toutes roches et racines. J’ai été plus loin, c’était moins dur, mais je n’avais pas de force, je n’avançais pas, et pendant que j’étais à l’ouvrage, les corbeaux, qui me voyaient éloigné, recommençaient à s’abattre sur le corps de mon père et à le déchiqueter. La nuit venait, j’ai traîné deux bourrées[1] en long de chaque côté du corps, et puis d’autres en travers, et par-dessus je les ai maintenu avec les plus grosses branches d’arbres que j’ai pu remuer ; j’ai encore mis des pierres par-dessus ; et puis j’ai emporté le bonnet et le bissac de mon père, son couteau aussi ; la cognée était trop lourde, ses sabots trop grands, je les ai laissés. J’ai ensuite retourné à notre cabane prendre ce qui nous restait de pain, et j’ai marché, marché, jusqu’à ce que j’aie trouvé une route.
— Et quand tu as rencontré quelqu’un, est-ce que tu n’as pas dit que ton père était mort, et qu’il fallait
- ↑ Fagots.