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d’heure au plus, en me glissant le long du mur, un imperceptible mouvement qui me rapprochait du tonnelet, en deux heures j’avais gagné peut-être cinq ou six pouces de terrain.

Le jour devenait de plus en plus sombre, la neige recommençait de tomber à gros flocons ; notre demeure, seulement éclairée par deux petites vitres sordides, placées à l’imposte de la porte, était presque plongée dans l’obscurité ; grâce à ces demi-ténèbres, je mettais moins de lenteur et de circonspection dans les mouvements qui me rapprochaient du baril.

Soudain mon maître m’appela en riant à gorge déployée.

Je restai immobile, accélérant et élevant ma respiration, afin de faire croire à mon sommeil,

— Il dort, — dit Limousin, — bah !… j’irai tout seul à la noce.

Et il commença de parler et de gesticuler avec une agitation, avec une hilarité croissante.

Mon premier succès m’enhardit, deux heures après j’étais arrivé auprès du baril, placé entre la muraille et le chevet de notre grabat ; saisissant le moment où mon maître avait le dos tourné, je me blottis brusquement dans l’espace qui restait entre le mur et le tonnelet, je jouais le tout pour le tout, car presqu’au même instant Limousin m’appela d’une voix de plus en plus chevrotante et avinée.

Je restai de nouveau silencieux, immobile. Mon maître se laissa pesamment tomber sur notre couche, puis s’accoudant en prenant le baril pour traversin, il