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au front, la canne en main, traîné dans un char à six chevaux blancs, caparaçonnés d’écarlate (il était intraitable quant au nombre, à la couleur et au harnachement de cet attelage). Probablement l’habit de tambour-major était, aux yeux du Limousin, l’idéal de la magnificence du costume ; monté sur un escabeau boiteux, le poing gauche sur la hanche, la main droite appuyée sur sa toise, mon maître, trébuchant quelque peu, jetait de côté et d’autres des saluts de tête remplis de bienveillance ; tandis que j’avais pour mission de crier, de ma voix la plus forte, en qualité du peuple masculin :

Vive Limousin le bon enfant !

Bientôt après, je représentais le peuple féminin, en criant de ma voix la plus aiguë :

Vive le beau Limousin !

Cette manifestation doublement flatteuse, mon maître l’accueillait avec des sourires remplis d’aménité et de coquetterie.

Autant que je puis me rappeler les paroles incohérentes de Limousin, lors de cette espèce d’hallucination, il se croyait élu, à l’unanimité, le plus beau et le meilleur enfant de tous les maçons du globe, aussi allait-il ensuite recevoir ses électeurs, et les traiter fraternellement et somptueusement dans le temple de Salomon. Suivait une description merveilleuse de ce lieu, qui me transportait d’admiration ; alors presque toujours affamé, car je n’osais toucher aux bribes du repas de mon maître, j’écoutais en soupirant l’énumération du repas monstrueux que Limousin donnait à ses frères de la truelle, servis à table par les douze