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vaille, comme des toits à porcs, et leurs parcs comme des taupinières.

» Le lundi, quand je reviens de ces promenades-là, qu’est-ce que ça me fait à moi, six chiens de jours à tirer ? Est-ce qu’au bout je ne vois pas mon dimanche.

» Je ne bois jamais au cabaret, l’ivresse s’y évapore en colère, en cris, en injures, en batteries, elle s’y corrompt, elle y perd de sa dignité ; je ne bois pas, moi, pour me disputer, je ne bois pas pour le goût du vin,… mauvaise drogue,… (je boirais de l’eau-de-vie, si ça n’était pas si malsain) je bois, et j’ai le droit de boire, pour m’en aller d’ici,… je ne sais où, quatre ou cinq fois par mois. Ça ne vaut-il pas mieux que de prendre la vie en rageur ?

» Les vrais ivrognes sont de même, seulement ils ne se raisonnent pas.

» Jean-Pierre boit pour oublier qu’il a entendu toute la semaine ses enfants pleurer la faim et sa femme crier misère, il boit aussi, et surtout pour oublier qu’il les entendra encore la semaine suivante ;

» Simon boit pour oublier qu’il a entendu et qu’il entendra sa vieille mère infirme gémir du lundi au samedi.

» D’autres enfin boivent pour se délasser du travail qui les écrase.

» Je sais bien que les cadets, qui n’ont ni misère ni fatigue à oublier, qui peuvent, avec leur argent, se procurer toute sorte de plaisirs, de délassements honnêtes, et qui pourtant se grisent comme des Anglais par amour du bon vin, disent, en nous voyant soûls :

» Oh ! les canailles, les pourceaux, faut-il qu’ils