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cipait plus de la muraille… que d’une étoffe quelconque ; il ne se déchirait pas, il se lézardait, et le Limousin remédiait intelligemment à ces petites démolitions partielles au moyen d’une pincée de plâtre fin délayé dans l’eau, après quoi il égalisait la réparation avec sa belle truelle de cuivre à poignée d’ébène.

Ma nourriture se composait invariablement d’un morceau de pain dur et noir, accompagné, à neuf et à trois heures, d’une queue et d’une tête de hareng saur, soudés l’une à l’autre par l’arête dorsale ; le Limousin se réservait le reste du poisson ; je trouvais la queue infiniment plus savoureuse que la tête.

Le soir, au retour du travail, mon maître trempait deux fois par semaine une soupe à la graisse, que nous mangions froide les autres jours, après quoi nous nous couchions sur une paillasse que, l’hiver, nous recouvrions d’une sorte de mince matelas garni de foin.

Contre l’habitude presque générale de ses compatriotes, mon maître ne retournait pas au pays à la fin de l’automne. Non loin d’un assez grand bourg dont j’ai oublié le nom, le Limousin avait eu la permission de se construire, sur un terrain rocailleux et abandonné, une méchante masure où nous demeurions.

Durant la saison des bâtisses, Limousin était presque toujours employé par le maître maçon du bourg. Si plus tard, malgré le chômage forcé, il restait quelque travail urgent de maçonnerie, le Limousin s’en chargeait, sinon, il s’occupait comme terrassier, tandis que j’allais ramasser sur les routes du crottin de cheval, que Limousin entassait et qu’il vendait à la bottée à un jardinier du bourg.