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Puis, se tournant vers Beaucadet, le comte ajouta :

— Maréchal-des-logis, la saisie du mobilier de cette ferme, qui m’appartient, a été prononcée, l’expertise faite ; je vous prie, en prenant d’ailleurs sur moi toute la responsabilité, d’expulser à l’heure même le métayer de cette maison ; et, afin que rien ne soit détourné, d’y laisser un de vos hommes jusqu’à demain matin : j’enverrai quelqu’un à moi prendre possession…

— Hélas ! mon Dieu !… nous chasser… à cette heure… — s’écria la métayère épouvantée ; — faible et malade comme l’est mon pauvre homme… pour lui… mais c’est à en mourir, mon cher bon seigneur.

— Donnez-nous quelques jours… par pitié… Monsieur le comte !… — dit le métayer d’une voix suppliante.

— Que leur lit… que la loi laisse aux expropriés… soit à l’instant mis hors de la métairie, — dit froidement le comte en s’adressant à Beaucadet.

Si son détestable orgueil n’eût pas été exaspéré par la présence du braconnier, reproche vengeur, remords vivant, que le comte se plaisait à braver, il n’aurait pas affiché cette impitoyable dureté (quoiqu’il eût sonné des ordres pareils, à l’exécution desquels, du moins, il n’assistait pas) ; mais la crainte de paraître céder à l’intimidation, jointe à l’inexorable conscience qu’il avait après tout de son droit légal, auquel d’habitude il sacrifiait tout, poussa le comte à cette déplorable extrémité.

Ce qui fut dit fut fait.

En suite d’une scène déchirante que l’on se représente facilement, le métayer et sa femme furent ainsi