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doute me vanter les vertus du comte Duriveau, ton père, et la douceur ingénue du vicomte, ton frère.

— Je ne sais rien de plus égoïste, de plus dur, de plus cupide, de plus monstrueusement orgueilleux que le comte Duriveau, — dit Martin d’une voix sévère et brève.

Le braconnier fit un mouvement de surprise.

— Je ne sais pas d’âme plus fermée que la sienne à tout ce qui est commisération, tendresse et charité ; je ne sais pas d’homme qui affiche un mépris plus cynique, plus inexorable et plus réel pour ceux de ses frères qui souffrent et se résignent… Vous l’avez entendu comme moi, l’autre soir ; je connaissais le comte… mais jamais pourtant je ne l’aurais cru capable d’afficher aussi audacieusement ses exécrables maximes.

— Et tu avais peur… tu tremblais dans ta livrée.

— Oui, j’ai eu peur, j’ai tremblé, Claude, — répondit doucement Martin, — j’ai eu peur de compromettre, de ruiner à jamais les intérêts sacrés qui me forcent à jouer le rôle que je joue auprès du comte… Mais, vous le voyez, Claude, je juge cet homme aussi sévèrement que vous. Et comme vous je dis : Oui, cet homme est doublement coupable, car il aurait pu faire de ses immenses possessions une terre promise… et il en a fait une vallée de misères et de larmes…

— Alors, que veux-tu ? qu’attends-tu donc ? je ne te comprends plus, — s’écria le braconnier, avec une farouche impatience. — Et le fils n’est-il pas digne du père…

— Élevé à une telle école, comment s’étonner, Claude, que Scipion soit ce qu’il est ? Non, — ajouta