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trez bientôt vous-même, — répondit Martin avec douceur et autorité, — car la solitude n’a pu éteindre en vous cette brillante et noble intelligence… cet esprit si juste, si élevé, que nul n’a soupçonné lorsque vous remplissiez les obscures et vénérables fonctions d’instituteur de village, que vous avez quittées pour une vie errante et solitaire… Claude, — ajouta Martin, en serrant avec tendresse une des mains du braconnier dans les siennes, — oh ! mon vieil ami, si dans les étranges vicissitudes de ma vie… j’ai, après vous avoir connu, bien souvent effleuré d’effrayants abîmes sans pourtant y jamais tomber… c’est grâce à vous… c’est grâce à ces impressions ineffaçables laissées dans mon cœur par vos paternels enseignements… lorsque vous avez eu pitié de moi, pauvre enfant abandonné comme tant d’autres créatures de Dieu dont on a moins de souci que des animaux des champs… Eh bien ! Claude, c’est parce que je vous dois la vie du cœur et de l’intelligence… que je ne veux pas m’associer à vos projets, et que je vous associerai aux miens…

— Tes projets ?

Et le braconnier jeta sur Martin un regard pénétrant : quels projets ?

— Mon but est le vôtre, Claude… Mes moyens seuls diffèrent.

— Il me faut un exemple…

— Nous ferons un exemple — dit Martin d’une voix solennelle — un grand exemple…

— Terrible ?

— Salutaire surtout… vous l’avez dit.