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Martin avait écouté en silence ces imprécations d’un ressentiment poussé jusqu’à la plus féroce exaltation.

Plusieurs fois son front avait rougi, son regard avait brillé, comme s’il eût été révolté de l’horrible résolution du braconnier.

Au bout de quelques moments, Martin dit à Claude, d’une voix affectueuse et triste :

— Claude, vous avez beaucoup souffert, et souffert depuis bien des années… Vos chagrins, encore aigris par la solitude et par la vie sauvage à laquelle vous vous êtes condamné depuis que…

— Assez… — s’écria le braconnier d’une voix sourde. — La plaie saigne toujours.

— Oui… elle saigne, et, je le vois, elle s’est cruellement envenimée ; je me tairai donc, Claude, je ne vous rappellerai pas les plus atroces douleurs qu’il ait été donné à un homme d’endurer, surtout lorsque cet homme a votre cœur… Claude ;… mais la souffrance la plus aiguë… mais les ressentiments les plus légitimes… ne feront jamais d’un homme comme vous… un homme de violence et de meurtre.

Le braconnier regarda Martin avec étonnement.

— Non, si impitoyable que soit le comte, si dédaigneux qu’il soit de la foi jurée, si admirablement généreux que vous ayez été envers lui, si légitimes que soient vos ressentiments, non, Claude, vous n’avez pas le droit de disposer de cette vie que vous lui avez laissée. Ce droit appartient à Dieu…

— Je serai l’instrument de Dieu ! — dit le braconnier d’un ton farouche.

— Non, vous n’avez pas ce droit et vous le reconnaî-