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appesantis-toi sur ma niaise et coupable confiance. Va… j’ai été le plus sot, le plus criminel des hommes…

— Vous ne parlerez pas ainsi Claude… quand vous saurez que votre exemple m’a été, comme vous le désiriez, d’un généreux enseignement.

— Je ne te comprends pas…

— Plus tard… j’ai pu à mon tour… non pas noblement laisser la vie à qui m’avait outragé… mais arracher à une mort certaine… un homme puissant… aussi… bien puissant… et lui dire… en me souvenant de votre sublime exemple :

— Cette vie… que j’ai sauvée… consacrez-la au bien… votre pouvoir est grand… Venez au secours de vos frères qui souffrent !

— Et celui-là… aussi s’est parjuré ?

— Non, Claude… celui-là ne s’est pas parjuré, — répondit Martin avec émotion ; — jusqu’ici il a tenu loyalement sa parole… Vous le voyez donc bien… j’avais raison de vous dire… que cette fois encore vous avez montré l’admirable et féconde générosité de votre grand cœur…

— Et je te dis, moi, que cette fois encore j’ai été dupe… et que cette fois j’ai été criminel, — s’écria le braconnier, avec une exaltation farouche, — oui criminel, car j’ai laissé vivre un misérable qui, malgré son serment, a fait couler des torrents de larmes et a causé des maux affreux… un misérable qui, se glorifiant de ses vices, les a perpétués dans sa race… Non, je ne devais pas laisser vivre cet homme… non… je ne le devais pas… et pourtant, sacrifiant mes ressentiments personnels, j’ai tout tenté pour l’amener au