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Puis la métayère ajouta avec une hésitation craintive :

— Je n’ose pas vous demander d’entrer chez nous… Monsieur Bête-puante, vous n’aimez guère à mettre le pied dans les maisons.

— Et le bonhomme ? — demanda le braconnier sans répondre à l’offre qu’on lui faisait.

— Hélas ! mon Dieu, — reprit tristement la métayère, — mon pauvre mari est de plus en plus faible… Depuis le jour où les gendarmes sont venus pour arrêter Bruyère, et où elle s’est noyée, le cher homme ne s’en est pas relevé, tant ça lui a fait une révolution… Nous l’aimions tant ! cette pauvre petite.

— Elle est morte… bien morte ; n’y pensons plus, — se hâta de dire le braconnier, d’une voix sourde.

— Et quand on pense qu’on n’a pas pu seulement retrouver son pauvre petit corps.

— Non, non, on ne pouvait pas le retrouver, — répondit le braconnier, — il y a des gouffres à tourbillon dans l’étang ; son corps y aura été entraîné.

Puis, comme s’il eût voulu rompre cet entretien, le braconnier ajouta :

— Ainsi, le bonhomme ne va pas mieux ?

— Que voulez-vous ? Monsieur Bête-puante ; la mort de cette pauvre petite, la vente qu’on va faire chez nous… tout ça désespère mon mari… nous ne savons pas ce que nous deviendrons.

Et la pauvre femme essuya ses larmes, qu’elle avait eu le courage de contenir devant maître Chervin.

— Oui, on vend ici, parce que vous ne pouvez pas payer votre fermage… C’est justice, — dit le braconnier avec un sourire amer, — vous allez mourir de misère