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— c’est comme chien et chat, ça vit sous le même toit, ça mange à la même écuelle, mais ils auront toujours un chacun leur acabit, il n’y a rien qui les concorde.

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À travers l’épaisse ignorance et l’abrutissement dans lesquels, ainsi que des milliers de ses frères, ce malheureux était condamné à vivre, son instinct entrevoyait cette triste vérité qui, si elle ne la justifie pas, explique quelquefois l’indifférence, la défiance, même l’aversion avec laquelle le travailleur agricole regarde généralement le maître qui l’emploie. Car, ainsi que le disait le loustic dans sa naïveté, rien ne concorde le maître et le laboureur ; entr’eux aucune communion, aucune fraternelle solidarité, aucun lien d’association ; en un mot, rien n’intéresse le travailleur au bon ou au mauvais succès de la culture de son maître ; que la récolte soit abondante ou nulle,… pour le laboureur, c’est tout un, le métayer n’augmente ni ne diminue ses gages ; il en est ainsi du fermier à bail et à arrérages fixes[1], dans ses relations avec son propriétaire, aucune solidarité, aucun lien ! bon an mal an, il faut que le métayer paie son fermage ou qu’il soit saisi et expulsé, de sorte que cette défiance, cette aversion instinctive qui sépare le travailleur agricole du fermier, sépare aussi le fermier du détenteur du sol.

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  1. Le fermage à moitié, qui consiste en ce que le propriétaire donnant son terrain et le métayer son industrie, ils partagent également le produit, est un mode de fermage beaucoup plus équitable. Mais les simples travailleurs agricoles restent toujours exclus de cette association.