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— Est-ce qu’il ne faut pas toujours un maître ? — demanda la Robin, outrée.

— Justement, — poursuivit le loustic de ferme, — c’est pour ça que c’est toujours farce de les voir embêtés… les maîtres,… puisqu’il en faut,… et qu’ils viennent nous chercher à la louée[1], où nous sommes parqués comme des veaux !

Et les rires de recommencer.

À défaut de raisons meilleures, la Robin, courroucée, donna aux rieurs de grands coups de sabot dans les jambes, en s’écriant :

— Vous n’êtes pas non plus autre chose que de grands veaux !

Les coups de sabot que la Robin prodiguait à ses adversaires en manière d’argument, firent plus d’effet que les plus beaux raisonnements, et le jovial charretier, tout en se frottant les jambes, répondit, comme s’il se fût agi d’une simple objection :

— Voilà ton idée, la Robin ? À la bonne heure,… mais je peux bien avoir la mienne,… d’idée.

— Non, sans-cœur, tu ne dois pas rire quand ce pauvre maître Chervin est dans la peine.

— Moi, je ris parce que c’est un maître, oui, parce qu’un chat est un chat, comme un chien est un chien.

— Quel chat ? quel chien ? — dit la Robin, impatientée.

— Eh bien ! un maître est un maître,… et un valet est un valet, vois-tu, la Robin ? — reprit le loustic,

  1. À la Saint-Jean, chaque année en Sologne il y a des louées, sortes de marchés aux valets, où les fermiers viennent engager leurs gens de ferme.