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— Lisez, — dit Scipion à son père en lui remettant un billet.

Le comte lut… et resta consterné.

— Vous le voyez donc bien, à cette heure, pour ne pas mourir, non plus seulement d’amour, mais de honte, Raphaële voudra m’épouser à tout prix, — dit Scipion. — Ainsi, quoi que vous appreniez de moi à sa mère, celle-ci, poussée par sa fille, qui peut-être lui avouera tout, tiendra doublement à mon mariage avec Raphaële, et en fera d’autant plus… l’impérieuse condition du vôtre… Vous voilà donc plus que jamais dans ma dépendance ; allons, avouez que vous avez agi en franc étourdi, ce qui est d’ailleurs d’assez jeune air, quant à votre menace d’une maison de correction… Pour un homme d’esprit comme vous, c’était bête et brutal… voilà tout.

Malgré sa prodigieuse impertinence, le raisonnement de Scipion, à propos du mariage de son père, était logique ; le comte resta un moment stupéfait. Puis, exaspéré par l’insolente audace de son fils, par la colère, par les violents ressentiments qui l’agitaient depuis si long-temps, pâle, égaré, cédant à l’emportement de son caractère, muet de rage, il s’élança sur son fils, le geste menaçant.

— Prenez garde ! — s’écria Scipion, sans rompre d’une semelle, et regardant intrépidement son père, — il ne s’agit plus ici de Géronte et de Damis ; mais de deux hommes qui se valent !!

Heureusement, deux ou trois coups, frappés en dehors de la porte de la chambre à coucher, firent retomber le bras du comte ; il essuya la sueur qui lui