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absolue de son fils, celui-ci pouvant rendre impossible le mariage du comte en refusant d’épouser Raphaële.

— Que faire ? que faire ? — se disait le comte dans sa terrible angoisse. — S’il refuse d’épouser Raphaële, parler à Scipion de la sincérité, de la violence de mon amour, quels sarcasmes ! invoquer mon autorité paternelle,… quels persiflages !

Et cet homme impérieux, hautain, entier, cet homme qui ressentait alors instinctivement ce qu’il y a d’auguste, de sacré dans la paternité… en vint à regretter d’avoir parlé à son fils un langage digne et ferme ; et bien plus… certain de ne rien savoir, de ne rien obtenir de cet adolescent en employant la sévérité, il se résolut lâchement, et frémissant de honte et de rage, de revenir à son rôle de jeune père, afin de tâcher de pénétrer ainsi les secrets desseins de son fils.

Toutes ces réflexions s’étaient présentées à la fois à l’esprit du comte, en moins de temps qu’il n’en faut pour les écrire ; sachant que Scipion ne serait pas dupe d’une transition si habilement ménagée qu’elle fût ; mais ne voulant pas lui laisser deviner la cause de ce brusque changement dans son attitude et dans son langage, le comte fit quelques pas dans sa chambre d’un air pensif en se disant tout haut à lui-même, de façon à ce que Scipion l’entendît :

— Ma foi ! j’y renonce.

Puis, revenant vers son fils, et s’adressant à lui d’un ton cordial ;

— Allons,… mauvais sujet,… allume ton cigare.