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Que l’on songe donc à l’anxiété de M. Duriveau en se rappelant non-seulement les froids dédains de Scipion pour Raphaële pendant cette journée, mais encore la sinistre découverte de l’enfant mort et le suicide de Bruyère, mais encore la scandaleuse aventure de Mme Chalumeau. L’amour de Mlle Wilson résisterait-il à de si rudes épreuves ? et si, par un soudain revirement de volonté, Scipion, ainsi qu’il semblait le faire pressentir, se refusait à ce mariage, et si la rapide émotion à peine dissimulée par Scipion, lorsqu’à table il avait pris contre son père la défense de Basquine, en termes dignes et sérieux, lui, toujours sardonique et railleur, si cette émotion était de sa part l’indice d’une passion dépravée pour cette créature si diversement jugée, passion qui détournait peut-être alors Scipion d’un mariage d’abord consenti ? Alors comment le décider ? comment le contraindre à ce mariage ?

La pensée du comte se perdait dans cet abîme, pour lui ce fut un moment terrible.

Bien tard, il est vrai, et poussé par le seul intérêt de ses passions, cet homme avait enfin conscience de sa dignité paternelle, si long-temps méconnue, outragée… cet homme avait enfin conscience des vices de son fils ; pour la première fois de sa vie, il parlait en père, et son fils, à chaque reproche, lui jetait à la face ces terribles récriminations : — Qu’est-ce que ce scandale auprès du scandale dont vous vous êtes vanté devant moi ? — Qu’est-ce que cette infamie auprès de l’infamie dont vous vous êtes glorifié devant moi ?… — Et ce n’était pas tout : à cet instant même, le comte se sentait, par son aveugle passion pour Mme Wilson, dans la dépendance