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donique et jetant sur son père un regard pénétrant. — Et si je changeais d’idée, à propos de ce mariage, moi ?

— Que dites-vous ? — s’écria le comte avec une terreur secrète.

— Oui,… s’il ne me plaisait plus d’épouser Raphaële Wilson ? — reprit lentement Scipion, en jetant de nouveau sur son père un coup-d’œil perçant.

Le comte ne répondit rien.

Un nuage passa devant ses yeux, tout son sang afflua vers son cerveau ;… mais, cette émotion terrible, il tâcha de la dissimuler à son fils.

Deux mots d’explication sont indispensables au sujet de l’amour du comte Duriveau pour Mme Wilson.

Cet homme impétueux, énergique, aimait comme aiment les gens de son âge et de son caractère, lorsque, après une vie de plaisirs faciles ou éphémères, ils ressentent, pour la première fois, malgré les années, un amour ardent, profond, et, chaque jour encore avivé, irrité, tantôt par les provocantes séductions d’un demi abandon, tantôt par de sévères refus qui pourtant n’ôtent pas tout espoir. Car, il faut le dire, Mme Wilson aimait trop sa fille, et aimait trop peu le comte, pour n’avoir pas déployé dans cette singulière intrigue les irrésistibles ressources qu’une femme charmante, coquette, spirituelle et usagée, qu’une femme surtout qui n’aime pas, peut employer afin d’atteindre un but d’où dépend la vie d’une enfant adorée.

Tous les incitants dont l’ensemble rend indomptable, presque insensé, l’amour qu’éprouve un homme entre les deux âges, lorsqu’il croit son amour partagé ; la certitude d’avoir fait oublier ses années, à force de soins,