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tueux envers moi que vous avez été jusqu’ici insolent et railleur.

Scipion, qui s’étonnait peu, fut surpris ; jamais, jusqu’alors, les rares remontrances de son père n’avaient résisté à une plaisanterie, jamais jusqu’alors son père ne lui avait parlé avec cette fermeté, cette résolution, de reprendre et de maintenir son autorité.

— Ainsi, — reprit-il en regardant M. Duriveau avec une compassion profonde, et comme s’il se fût apitoyé de le voir descendre à une mercuriale si bourgeoise, — ainsi, tu parles sérieusement ?

— Très-sérieusement, Monsieur.

— C’est nouveau… mais peu délectable… Et à propos de quoi choisis-tu ce beau jour pour venir ainsi blaguer morale et autorité paternelle ?

— Vous avez l’audace de me le demander… lorsqu’il n’y a pas une heure… un horrible scandale…

— Ah çà ! voyons, — dit Scipion en haussant les épaules, — regarde-moi sans rire… Rappelle-toi donc ta bonne histoire de la marquise de Saint-Hilaire… que tu nous as contée cet hiver à souper chez Zéphirine.

Un instant le comte resta muet, atterré, sous le souvenir que lui rappelait son fils.

— Allons, n’aie pas peur, — lui dit Scipion avec une bienveillance ironique, — je ne te dis pas ça, moi, comme un reproche ;… au contraire… Ne fais donc pas le modeste, c’est niais ; ton aventure valait cent fois la mienne, car la marquise de Saint-Hilaire était ravissante ; autant qu’il m’en souvient, tu étais à la campagne chez le marquis, brave et beau garçon