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amusé long-temps, et qu’il se fût promis d’être calme, le comte, cédant à un involontaire emportement, s’écria, en faisant un pas vers son fils d’un air menaçant :

— Insolent…

— Bon ! voici la scène du bâton ; je m’y attendais, — dit Scipion avec un redoublement d’audace ; — or çà, vite,… un bâton,… vite un bâton au seigneur Géronte : ah ! pendard ! — (c’est à son fils Damis qu’il parle) — te voilà donc encore à me railler ! Ah ! double traître !! et Crispin ?… où…

— Scipion !! — s’écria le comte d’une voix terrible en interrompant son fils et le saisissant par le bras d’une main tremblante.

Puis, après un moment de silence, il reprit avec une profonde amertume :

— C’est ma faute,… je vous ai encouragé à ces effronteries,… j’ai toléré ces familiarités insolentes… C’est le fruit de l’éducation que je vous ai donnée… Cette dernière leçon est rude,… elle sera bonne…

— Bah ! — dit Scipion, — toutes les éducations se valent. Préval a été élevé par un prêtre, sous l’aile maternelle, et il vient de commettre un faux qui mérite les galères ; d’Havrincourt sort de l’École Polytechnique et il vient d’être interdit comme prodigue… Allons donc, tu es trop modeste ! ton élève te fait honneur.

— Assez,… Monsieur, assez ! vous ne me connaissez pas encore… mais nous ferons connaissance, et mordieu ! dès aujourd’hui, dès cette heure, je vous le répète, chacun de nous reprendra sa place,… et désormais vous serez aussi soumis, aussi humble, aussi respec-