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CHAPITRE II.


le café


Le comte Duriveau, dans son entretien avec ses futurs commettants, redoublait d’amertume et de violence ; car la conversation, d’abord politique, était ensuite presque naturellement tombée sur un sujet qu’il n’abordait jamais sans une animosité passionnée : Le mépris et l’aversion que lui causaient les vices des classes pauvres.

Accoudé sur le mur d’appui de la fenêtre du jardin d’hiver, le comte éprouvait quelque soulagement à sentir l’air du soir rafraîchir son front échauffé par la haineuse irascibilité qu’il apportait dans cette discussion.

— Eh ! mon Dieu, Messieurs, — disait M. Duriveau, — dans ma jeunesse j’ai eu comme un autre, plus qu’un autre, le cœur débonnaire, la main ouverte et la larme facile. J’ai cru aux vertus et aux malheurs immérités de la canaille ;… j’ai cru aux pères de famille manquant d’ouvrage, eux, les seuls soutiens d’enfants en bas âge et d’une femme infirme ; j’ai cru aux gens privés de nourriture depuis quarante-