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dans Basquine un modèle de vertu d’autant plus rare, qu’elle était exposée, comme comédienne d’une immense renommée, à toutes les tentations, à toutes les séductions ; selon les autres (et le comte partageait cet avis), Basquine, monstre d’hypocrisie, était aussi un monstre de dépravation, de libertinage et de méchanceté, à la fois Messaline et Cléopâtre, comme elles, souveraine, non par la couronne, mais par le génie.

Le comte ne fut pas seul à s’étonner des paroles et de l’accent de Scipion, et à tâcher de pénétrer sur sa physionomie la cause de cette singulière dérogation à son persiflage habituel.

Attachant aussi sur le vicomte un coup d’œil attentif, Martin… avait laissé percer une sorte de surprise mélancolique, en entendant l’adolescent témoigner de son admiration pour le talent et pour le caractère de Basquine en termes si sérieux, lui toujours si insolemment dédaigneux et railleur.

À la façon dont le regardait son père, Scipion se reprocha de s’être laissé involontairement entraîner à un premier mouvement, et d’avoir tenu un langage, fort simple pour tout autre, mais tellement excentrique pour lui qu’il devait être remarqué ; le vicomte cherchait le moyen d’effacer l’impression que ses paroles, au sujet de Basquine, avaient causée au comte de le dérouter complètement ; Mme Chalumeau vint admirablement au secours de Scipion.

— Comme vous la défendez, cette actrice… Monsieur le vicomte, — lui dit-elle à demi-voix et d’un ton aigre-doux.