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pagne se figeait dans des rafraîchissoirs de cristal de Bohême étincelant comme le rubis, ayant pour supports des groupes de figurines d’argent et pour monture de gros ceps de vigne aussi d’argent qui, après avoir contourné le bord de ces vases en souple guirlande, venaient s’arrondir et se croiser en anses d’une courbe élégante. Une somptueuse argenterie, en rapport avec cette splendide orfèvrerie, garnissait la table, et, par une heureuse innovation, au lieu d’être incommodément assis sur une chaise, les convives, confortablement établis dans d’excellents fauteuils, pouvaient mollement savourer les merveilles culinaires du chef des cuisines du comte Duriveau. Chaque personne ayant derrière soi un laquais, le service se faisait avec un ordre et une célérité remarquables. Il est inutile de dire que les vins les plus choisis, les mets les plus excellents, circulaient en profusion, et que le miroitement de l’argenterie, le parfum des fleurs, le reflet prismatique des cristaux étincelant de tous les feux des bougies donnaient un nouveau charme à ces jouissances gastronomiques.

Le comte Duriveau, placé au milieu de la table, avait à sa droite la femme du plus influent électeur, et en face de lui Scipion, accosté de l’heureuse Chalumeau et de Mme l’électrice dont le mari avouait naïvement (et il n’était pas le seul) qu’il préférait à son mandataire présent (M. de la Levrasse), homme avare et peu serviable, le député futur qu’il voyait dans le comte Duriveau, cet archi-millionnaire si obligeant, et dont la table était si merveilleusement servie…

Un seul homme contemplait ce luxe princier avec une tristesse amère et cachée… c’était Martin. À l’as-