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attirait près de lui. Quant aux femmes, après avoir, du fond de son fauteuil, curieusement examiné leur entrée, en plaquant son lorgnon d’écaille à sa paupière, il ne leur adressait ni une parole ni un salut.

Le comte Duriveau, déjà profondément blessé de la conduite de Scipion durant cette triste journée, et de plus, très-irrité des railleries mordantes dont son fils l’avait accablé en présence de Mme Wilson ; le comte Duriveau, fatigué de plus en plus de son rôle de jeune père, souffrait visiblement des impertinentes affectations de Scipion, qui pouvaient lui aliéner ses électeurs. Mais il redoutait tellement les railleries de cet adolescent, dont l’insolente audace ne ménageait, ne respectait aucune convenance, qu’il se contenait, remettant à la fin de la soirée une grave et sévère explication qu’il voulait avoir avec Scipion.

Celui-ci, toujours enfoui au plus profond de son fauteuil, avisant, non loin de lui, le régisseur du comte, lui fit, du bout du doigt, signe de venir à lui.

M. Laurançon, le régisseur, grand homme sec et basané, à la figure impassible et dure, s’approcha respectueusement de Scipion et lui dit :

— Vous désirez quelque chose, Monsieur le vicomte ?

— Sonnez donc, mon cher, — lui dit Scipion du bout des lèvres, — je ne sais pas à quoi ils pensent… ils ne servent pas et j’ai faim.

M. Laurençon s’approcha de la cheminée et tira un long cordon de soie.

Presque aussitôt un valet de chambre vêtu de noir,