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honneurs de sa maison, soins hospitaliers dont le vicomte Scipion lui laissait tout le poids.

Le père et le fils offraient un contraste frappant et significatif, jusques dans les détails en apparence les plus puérils.

Le comte, quoique jeune père, loin d’approuver les modes débraillées et sans façon de la jeunesse de 1845, avait quitté ses habits de chasse, et était mis avec un soin et un goût parfait : les larges revers de son habit bleu clair à boutons d’or ciselés, se rabattaient sur un gilet de piqué blanc étroitement serré à sa taille, encore d’une finesse et d’une souplesse toute juvénile, le large nœud d’une haute cravate de satin noir s’épanouissait sur une chemise merveilleusement brodée et attachée par trois énormes perles fines, entourées de brillants, montées sur un feuillage d’émail vert ; un pantalon noir, assez juste, dessinant des formes à la fois nerveuses et élégantes, découvrait un fort joli pied chaussé de bas de soie blancs ; enfin, des souliers vernis, très-découverts et à larges bouffettes, complétaient le costume du comte Duriveau qui, grâce à son teint brun, à ses cheveux noirs, à sa figure maigre, mais pleine de caractère et d’énergie, paraissait, malgré sa cinquantaine, avoir au plus trente-cinq ou quarante ans.

Nous le répétons, puérils en apparence, ces détails de costume avaient une profonde signification ; ainsi, le comte Duriveau aurait cru manquer singulièrement à ses hôtes ou à soi-même, si, pour dîner, même seul, il ne s’était pas habillé avec recherche ; chausser des bottes le soir au lieu de bas de soie, lui eût paru quelque chose d’énorme, et il ne se rappelait pas d’ailleurs avoir jamais