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Quelques coups, discrètement frappés à la porte de la chambre de Mme Wilson, qui précédait l’appartement de sa fille, rompirent cet entretien.

— Qui est là ? — dit Mme Wilson en quittant la chambre de Raphaële.

— Moi,… Madame, — répondit derrière la porte la voix de Mlle Isabeau.

— Que voulez-vous, Isabeau ?

— Madame, c’est une lettre qu’on apporte de la part de M. le comte Duriveau ; c’est très-pressé ; on attend une réponse.

— Donnez… — dit Mme Wilson en ouvrant la porte à sa femme de chambre, — et voyez si ma fille n’a pas besoin de vous.

Et pendant que Mlle Isabeau se rendait auprès de Raphaële, Mme Wilson décacheta la lettre du comte.

— J’en étais sûre, — dit Mme Wilson en lisant cette lettre, — il est dans la plus grande anxiété… Que d’amour !… Que de passion !… À cet âge, avoir conservé autant de chaleur de cœur !… Comment se fait-il qu’en dehors de cet amour, qui le domine, il n’y ait, dans le comte, qu’égoïsme, cupidité, orgueil et audacieux dédain de tout ce qui n’est pas riche, noble ou puissant ?… Et cet homme a été bon ? il a obéi, dit-on, dans sa jeunesse, aux plus généreuses inspirations… Les temps sont bien changés, l’âge a durci, a bronzé cette âme, autrefois délicate et tendre.

Puis, continuant sa lecture, Mme Wilson ajouta lentement, et d’un air pensif :

— Je m’y attendais : il craint que la terrible scène de tantôt n’ait changé les intentions de Raphaële et les