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pitoyables, sont odieuses, ange aimé… Mais puisque tu manques d’une légitime confiance en toi, il me faut bien entrer dans ces détails, si répugnants qu’ils soient.

— Hélas ! ma mère, aujourd’hui, dans cette triste journée, ce n’est pas seulement du manque de prévenances de Scipion dont j’ai eu à souffrir…

— Je te comprends ; tu songes à cette cruelle découverte… à ce malheureux petit enfant… Ici encore, mon ange, il me faut te parler en sœur… en amie… ou plutôt en mère qui met de côté toute fausse réserve, toute pruderie mensongère, parce qu’il s’agit de t’éclairer et non pas de te tromper. Écoute-moi… L’an dernier, Scipion était ici seul avec son père ; il ne te connaissait pas… Dans le désœuvrement de la vie de campagne, ayant rencontré cette jeune fille, il lui fait la cour. Elle l’aura écouté… et tu sais le reste… Maintenant, au point de vue moral, c’est mal, très-mal ;… mais, il faut bien te le dire, au point de vue du monde… de ce monde où toi et moi nous vivons, l’action de Scipion est, ce qu’on appelle, une… peccadille de jeunesse ;… demain, tout Paris saurait que le vicomte Scipion Duriveau a eu pour maîtresse une petite paysanne, et que cet amour a eu le dénoûment tragique dont nous avons été témoins ; demain, tout Paris saurait cela,… que pas un salon ne serait fermé à Scipion, et que pas un homme, pas une femme de quelque autorité dans le monde ne modifierait en quoi que ce soit l’accueil qu’ils ont coutume de faire à Scipion ;… bien plus, mon enfant, pas une mère, pas un père ne lui refuserait, pour cela, sa fille en mariage… Tout ceci, je le vois, t’étonne un