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telle sérénité, que Raphaële, frappée de stupeur, resta muette et accablée.

— Non, tu n’as pas pu abuser de ma tendresse, ma chérie, — reprit sa mère. — Selon ton habitude, ton candide et bon cœur s’exagère quelque enfantillage… comme tu t’exagères la froideur de Scipion !… Du reste, vilaine enfant, — ajouta Mme Wilson en souriant et abaissant, par un mouvement plein de grâce, sa jolie tête au niveau de celle de sa fille, — tu finiras par me rendre aussi peureuse que toi, car, tout-à-l’heure, lorsque tu t’es écriée, méchante petite aveugle : Il ne m’aime plus !… un moment, j’ai… tremblé… Me faire douter de toi !… de la toute-puissance de ta beauté ; de l’adorable influence de ton esprit et de ton cœur… c’est ce que je ne saurais le pardonner… Venez, Mademoiselle, que je ferme ces beaux yeux sous de gros baisers, puisque ces beaux yeux sont si malvoyants, si mauvais juges de l’amour de Scipion.

Et Mme Wilson appuya ses lèvres roses sur les blanches paupières de Raphaële.

Pour la première fois de sa vie, Raphaële se sentit douloureusement étonnée du langage de sa mère. La confiance, la quiétude de Mme Wilson, après les incidents de cette journée, incidents si pénibles pour le cœur de la jeune fille, remplissaient celle-ci de surprise et d’inquiétude :

— Pardonne-moi, ma mère, — dit-elle avec embarras, — si je m’étonne de t’entendre traiter avec si peu d’importance tout ce qui s’est passé aujourd’hui, et…