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se donner des airs de toujours m’échapper, tôt ou tard,… foi de Beaucadet, je le pincerai.

— Et vous ferez bien, — dit le vieux piqueur, dont le visage trahit une légère inquiétude, — vous ferez bien ; M. le comte vous en saura gré, car, il aime la chasse en vrai forcené.

— Parbleu ? arrivé d’avant-hier, le voilà en chasse aujourd’hui.

— Écoutez donc, Monsieur Beaucadet, voilà bientôt huit mois que ni lui ni son fils n’ont touché un fusil ou entendu le son d’une trompe, puisqu’ils sont partis d’ici en mars, à la fermeture de la chasse… car c’est pas vous, Monsieur Beaucadet, qui vous priveriez de déclarer procès-verbal si l’on chassait plus tard que le 12 mars.

— Et je m’en fais honneur et gloire, respect à la loi, dont je suis l’image ! Le 12 mars fermeture de la chasse, tout le monde doit le savoir, car nul n’est censé ignorer la loi, a dit le législateur… un vieux roué !… — ajouta M. Beaucadet, en manière de parenthèse avec un malin sourire, — c’est ce que je répète tous les jours à ces traîne-la-mort de paysans solognaux quand ils me disent d’un ton geigneux : — Mais, Monsieur Beaucadet, j’ignorais que c’était défendu de faire ça. Je ne peux pas connaître la loi, moi, on ne me l’a jamais lue, et je ne sais pas lire.

— Au fait, quand on ne sait pas lire ? — dit le vieux piqueur en secouant la tête, — et qu’on ne vous a jamais lu la loi… comment la connaître ?

L’un des gendarmes de l’escorte, vieux soldat à la physionomie rude et franche, rehaussée d’une balafre,