Page:Sue - Martin l'enfant trouvé.djvu/196

Cette page a été validée par deux contributeurs.

douleur, le désespoir se peindre sur les traits de la jeune fille.

Puis, tout-à-coup, croyant deviner la cause de ce trouble, suppliante à son tour, elle reprit d’une voix désolée :

— Bruyère !… pardon ; c’est moi, chère enfant, qui vous demande grâce, car, sans le vouloir,… et emportée par un premier mouvement, j’ai peut-être outragé votre mère… Pardonnez-moi,… pauvre petite ;… j’ai eu tort de parler comme je l’ai fait… Mon Dieu !… souvent… une malheureuse jeune fille,… trahie,… abandonnée,… n’a plus la tête à elle… Que voulez-vous ? la crainte,… la honte…

— Oh oui, n’est-ce pas, dame Perrine, — s’écria Bruyère en frissonnant, — la honte,… c’est si affreux, la honte… et puis, les moqueries,… les mépris ;… quand on n’est pas habituée à cela… Oh ! la honte,… voyez-vous,… j’en mourrais.

Et Bruyère, s’apercevant qu’à ces derniers mots Mme Perrine avait tressailli et la regardait avec une surprise et une curiosité inquiète, elle se hâta d’ajouter :

— Aussi, dame Perrine,… lorsque tout-à-l’heure le père Jacques m’a dit que peut-être je pourrais connaître ma mère,… d’abord ma joie… a été grande,… mais bientôt… je me suis dit : Si je découvre ma mère,… si je vais à elle,… peut-être je la couvrirai de honte… par ma présence ; car enfin sa faute est peut-être restée cachée… oubliée,… et c’est moi, sa fille,… moi qui la ferais revivre, cette faute, cette honte !… Et pourtant, connaître sa mère,… la voir,… eh !