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— C’est que le père Jacques… m’a parlé long-temps,… dame Perrine.

— Le père Jacques ? Ce pauvre vieux berger infirme… dont vous m’avez quelquefois entretenue ? Ne m’avez-vous pas dit que depuis long-temps il avait presque perdu la mémoire, et qu’il ne parlait à personne ?

— C’est vrai,… dame Perrine,… aussi j’ai été bien étonnée,… d’autant plus… que ce qu’il m’a appris…

Bruyère n’acheva pas : le trouble, la crainte, se peignirent sur son visage. Mme Perrine, étonnée du silence et de l’émotion de la jeune fille, reprit :

— Vous voilà toute pâle,… toute tremblante… mon enfant, vous vous taisez ; qu’avez-vous ?… Que s’est-il passé ?

Après une nouvelle hésitation, la jeune fille reprit timidement :

— Dame Perrine,… je suis seule au monde… en ce moment, je n’ai personne ici pour me conseiller,… je n’ose pas agir de moi-même, et je viens à vous…

— Parlez,… parlez, — répondit Mme Perrine avec un affectueux empressement, — je n’ai pas de grandes lumières,… mais je vous aime, cela m’inspirera bien,… j’en suis sûre…

— Oh ! n’est-ce pas, vous m’aimez, dame Perrine ? — dit vivement Bruyère.

— Si je vous aime,… mon enfant !… je vous aime comme j’aimerais ma fille, si le sort m’en avait donné une, mais il m’a mesuré le bonheur maternel… Je n’ai jamais eu qu’un enfant,… qu’un fils… le meil-