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souvent les yeux avec orgueil, était écrite à Martin par le Roi[1], dont on a donné le portrait.


« 3 août 1845.

» Je vous dois la vie, Martin… Je vous dois encore plus que la vie… Acceptez ce portrait comme gage de ma reconnaissance et de ma profonde estime.

» J’aime à me rappeler, j’aime surtout à vous rappeler la cause de cette reconnaissance, la raison de cette profonde estime.

» Il y a un an qu’une aventure bien étrange vous a rapproché de moi… Vous ne pouviez deviner qui j’étais, grâce à l’incognito qui me couvrait ; vous m’avez sauvé d’un danger de mort…

» Je voulus savoir à qui je devais la vie ; votre histoire était simple : venu dans le pays à la suite d’un maître,

  1. Il nous a toujours paru nécessaire de légitimer, si cela se peut dire, les fictions en apparence les plus étranges par des faits presque analogues, qui prouvent ainsi, non la réalité, mais du moins la possibilité d’une conception taxée peut-être d’invraisemblance sans cette précaution.

    Voici donc un fait :

    Une femme d’un grand esprit et d’un grand cœur, Mme Bettine d’Arnim, qui n’a jamais eu la moindre relation avec Frédéric-Guillaume, roi de Prusse, dit, dans la préface d’un livre intitulé : ce livre appartient au roi, qu’elle n’a pris ce titre qu’après l’assurance formelle donnée par le roi de lire ce livre en entier. Or, ce livre met en relief l’horrible misère des travailleurs, et soulève, avec une généreuse audace, les questions sociales les plus brûlantes ; nous croyons savoir qu’en suite de la lecture de ce livre, une correspondance suivie s’est engagée entre Frédéric-Guillaume et la noble femme, qui a pris si vaillamment en main la cause des classes déshéritées, et qui a su appeler l’attention d’un omnipotent sur les formidables questions qui grondent dans l’Europe entière.