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Mme Perrine, durant beaucoup d’années, avait été folle.

Sa folie, d’abord furieuse, avait peu-à-peu changé de caractère ; une mélancolie douloureuse, mais inoffensive, avait succédé à la frénésie. Le temps et des soins remplis de sollicitude avaient opéré une guérison à-peu-près complète, et le calme profond dont Mme Perrine jouissait depuis son installation dans la métairie du Grand-Genevrier, avait tout-à-fait consolidé cette guérison.

Après une étude attentive du caractère de cette infortunée, et surtout des ombrageuses susceptibilités qu’elle conservait, en suite de son insanité, le médecin contre les prescriptions ordinaires lui avait recommandé, surtout pendant les premiers temps qu’elle passerait à la ferme, un isolement presque absolu. En effet, elle éprouvait une telle humiliation, une si pénible honte de son état passé, que la présence de personnes même bienveillantes lui eût causé un malaise, une souffrance indicibles. — Sans doute, avait ajouté le médecin, ces susceptibilités devaient s’effacer peu-à-peu ; mais, sous peine d’une rechute, alors peut-être incurable, Mme Perrine devait vivre dans la solitude. — Ces conditions de salut se trouvaient d’ailleurs si en rapport avec les goûts de cette femme qu’elle fut heureuse de s’y conformer ; durant le jour elle ne sortait jamais ; la nuit venue, et surtout lorsque la lune brillait d’un vif éclat, Mme Perrine faisait souvent de longues promenades sur les bords de l’étang.

Bruyère seule, admise chaque jour auprès d’elle,