Des larmes roulèrent dans les yeux de Bruyère, jamais le vieillard ne s’était plaint de son sort avec autant d’amertume.
— Père Jacques, — dit-elle d’une voix émue, en se penchant vers le vieillard, — vous ne me reconnaissez donc pas ? — c’est moi, Bruyère, qui vous aime bien… Tout-à-l’heure encore vous m’appeliez, m’a-t-on dit ;… que me vouliez-vous ? Parlez,… votre fille vous obéira…
À ces mots de Bruyère, un éclair de mémoire et de raison brilla dans les yeux du vieillard, il passa la main sur son front, et répondit d’une voix faible :
— Oui,… c’est vrai,… tout le jour, petite, je t’ai appelée… Pourquoi donc ?… Je ne sais plus… Peut-être pour te parler du rêve qui m’est venu… Mais pourquoi si tard ? — ajouta le vieillard en se parlant à lui-même. — Pourquoi si tard est-il venu, ce rêve ?
— Quel rêve ? père Jacques.
— Un rêve… comme déjà,… je crois, j’en ai fait deux,… il y a long-temps,… long-temps,… — dit le vieillard en tâchant de rassembler ses souvenirs, — une fois,… après le rêve,… j’ai voulu voir M. le comte… Oui, je ne me trompe pas, c’était M. le comte,… il n’est pas venu,… il a eu tort… Pourquoi ?… je ne sais plus,… mais le braconnier est venu à sa place… Et puis,… après l’autre rêve,… l’autre rêve,… je ne sais plus…
— Vous m’appeliez, père Jacques, pour me parler de votre rêve ? — dit doucement Bruyère, afin de ne pas contrarier le vieillard. — Eh bien ! contez-le moi,