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que par la mort, avaient plongé le vieillard dans une apathie profonde, surtout remarquable par une opiniâtre taciturnité ; la seule personne en faveur de qui le vieillard rompait ce silence absolu, était Bruyère.

Quelques hommes, aussi singulièrement que merveilleusement doués par la nature, naissent géomètres, astronomes, peintres, musiciens, etc. etc. Par quel mystérieux phénomène ces organisations privilégiées atteignent-elles et dépassent-elles, souvent sans labeur et de prime-saut, la limite de certaines connaissances ? Nul ne le sait,… mais c’est un fait aussi évident qu’inexplicable.

Le père Jacques était une de ces organisations privilégiées. Né agriculteur, dès long-temps il avait pressenti, non-seulement les améliorations, mais les révolutions que la science, que les études agricoles devaient apporter dans la culture (études et sciences malheureusement encore peu appliquées, grâce à l’effrayante ignorance où on laisse obstinément croupir la population des champs) ; de nombreuses expériences, pratiquées sur quelques pieds de terrain, avaient convaincu le père Jacques de toute la valeur de ses idées, touchant à la géologie par la connaissance de l’action des différents engrais calcaires, comparés aux différentes natures du sol. Touchant à l’histoire naturelle par ses curieuses observations sur l’hygiène et sur la physiologie du bétail ; touchant enfin à la botanique, par un classement et une appropriation très intelligente des divers engrais végétaux, le père Jacques était un trésor de science pratique… et ce trésor, il l’avait long-temps tenu enfoui, nul n’en avait soupçonné l’existence.